Rapport sur le débat d’Équiterre à propos des multinationales dans le commerce équitable. Débat organisé à l’UQÀM par Équiterre, le 7 décembre 2004
Le 7 décembre 2004, Équiterre a organisé un débat à l’UQÀM à propos du rôle des entreprises multinationales dans le commerce équitable, ayant comme but de définir les différentes postures à prendre face à cette question qui se pose à ce point du développement du commerce équitable.
Madame Caroline Whitby, de Transfair Canada, a mené le débat. Elle a d’abord mentionné qu’il s’agit d’un sujet incontournable et que la question centrale n’est plus de savoir si les multinationales doivent ou ne doivent pas s’inscrire dans le commerce équitable (CÉ), puisqu’elles sont déjà présentes, mais de voir comment gérer leur présence. En fait, c’est le succès du commerce équitable qui fait que les entreprises multinationales ne sont plus en mesure de rester indifférentes. Madame Whitby nous a aussi exposé les enjeux des multinationales dans le CÉ, selon la politique officielle que s’est donnée Transfair Canada.
Un des enjeux principaux du rapport entre le commerce équitable et les multinationales est celui de la certification via le Fairtrade labelling organizations international (FLO) et les normes qu’il implique. Transfair cherche à avoir un label pour les compagnies différent des labels se rapportant aux initiatives nationales, qui sont très autonomes et portent des stratégies différentes. Ce sont d’habitude ces initiatives nationales qui certifient les multinationales. Il faut donc homogénéiser la norme.
Selon madame Whitby, Transfair reconnaît l’importance de l’implication des multinationales. Elles sont nécessaires pour la distribution dans les marchés. Sans elles, il serait assez difficile d’amener les produits aux marchés. Par exemple, les compagnies de transformation du cacao en chocolat sont incontournables pour le marché de cacao équitable. C’est le même cas pour les bananes, il faut les faire mûrir et ce sont les grosses compagnies qui ont les moyens financiers pour effectuer cette opération. Les multinationales deviennent ainsi une partie importante dans la chaîne d’apprivoisement.
De même, l’adhésion des compagnies à des labels de certification est importante parce que, lorsqu’elles paient leur certification, elles aident à financer les petites entreprises, les torréfacteurs et d’autres coopératives. Ainsi, grâce à ce phénomène en hausse, Transfair est en mesure de financer ses petits partenaires. Monsieur Marc-Henri Faure est ensuite intervenu en soulevant la question à savoir si on devait limiter le commerce équitable à un secteur de la population. Selon lui, si les consommateurs étaient bien informés, ils seraient en mesure de faire leur propre choix concernant le point de vente, ce qui faciliterait peut-être la vie des petits partenaires.
Madame Whitby nous a donné ensuite des exemples des compagnies impliquées dans le commerce équitable, comme le sont Starbucks (elle a été la première à signer un contrat avec Transfair US en 2000); Proctor & Gamble, avec la ligne de café équitable Mountain moonlight de sa gamme Millstone; ou McDonald’s en Suisse (o๠tout son café est équitable). Le débat principal, selon madame Whitby, doit se situer au niveau de la participation des multinationales dans la production. Jusqu’à maintenant, aucune multinationale n’a été acceptée dans la production.
D’ailleurs, selon madame Whitby, puisque la mission de Transfair est d’améliorer les conditions de vie au Sud, il est nécessaire qu’il considère les différents moyens de faire accroître la production. L’importance doit être donnée au volume. Il existe également beaucoup de petits producteurs qui n’ont pas encore réussi à percer et à vendre leur production dans le marché équitable. Dans ce contexte, l’impact du commerce équitable est très réduit par rapport aux besoins. Par ailleurs, la pression vient souvent des producteurs eux-mêmes. Le défi est de trouver l’équilibre entre le volume et la substance du CÉ.
Selon madame Whitby, il existe un risque à ne pas inclure les multinationales dans le CÉ. Parmi elles, environ 33% ont déjà entendu parler du CE, mais seulement 8% y participent. Il existe donc un vide entre le 33% et le 8%. Ce vide pourrait laisser place à une fausse représentation du CE, provoquée par la prolifération des autres systèmes de certifications et des faux labels. Le danger repose principalement sur le fait que les autres labels, comme le « bio-équitable », Rainforest, etc. ont des critères plus souples. De plus, ces labels ne considèrent parfois pas un des critères de base du CÉ, soit le prix plancher. En effet, la certification équitable seule considère ce prix et pas les autres types de certification. Avec la présence de ces organismes, les multinationales sont plus susceptibles de signer avec les représentants des autres labels moins exigeants, tout en gagnant en image sans avoir à se préoccuper des critères vraiment équitables. Pour madame Whitby, il vaudrait mieux que ces entreprises se tournent vers le FLO. Elles auraient un rôle plus important à jouer. La préoccupation générale concerne le danger que les multinationales prennent le contrôle de la certification pour en diluer la portée.
À ce propos, madame Whitby nous a expliqué que les certificateurs du FLO sont au courant du danger. Ils essaient donc de séparer la certification en tant que telle, des perceptions de cotisation des entreprises certifiées. De plus, le FLO intègre l’ensemble des acteurs dans la création des normes, autant au Nord qu’au Sud. Il est également sur le point d’être reconnu ISO 65, soit la norme internationale des certificateurs. Concernant le système de certification lui-même, madame Whitby nous a informé que le FLO s’est professionnalisé afin de mieux appliquer les normes et d’en améliorer la capacité légale. D’autre part, le FLO cherche à établir un système de vérification interne, propre à chaque entreprise, afin de réduire ses coûts.
Le débat
Après avoir passé quelques minutes à essayer de trouver une définition scientifique convaincante pour ce qu’est une multinationale, on a discuté de comment on pouvait intégrer les gros joueurs sans perdre la substance du CÉ. Les enjeux qui sont ressortis à ce propos sont : éviter l’intégration verticale des multinationales dans le marché équitable, lutter contre la mise en place des oligopoles dans la distribution, faciliter l’intégration des multinationales pour aider à développer le marché (à ce sujet, par exemple, la multinationale du café Starbucks vend plus de café équitable que le Canada en entier). En outre, les multinationales « bien » certifiées seront intéressées à protéger le concept même du CÉ et à le défendre face aux compagnies qui portent des labels moins contraignants. Elles se verraient dans l’obligation commerciale de réagir en conséquence et d’éviter une concurrence déloyale à leurs yeux. Une autre stratégie proposée est de faire appel aux gouvernements afin de faire augmenter le volume des ventes.
L’accent a également été mis sur le besoin d’informer le public. Il existe un danger d’image aussi pour le commerce équitable si jamais cette partie du public sensible aux enjeux de la mondialisation l’identifiait avec les multinationales. Cela peut nuire au concept même du CÉ. Ainsi, l’éducation du public est une protection contre les multinationales : plus le consommateur est informé, plus il est exigeant envers les critères des multinationales. De plus, un consommateur sensibilisé sera plus enclin à acheter ses produits équitables avec les petits détaillants ou dans des coopératives que dans les gros magasins, et il fera plus attention à l’origine de son café.
D’autres soucis, comme la possible entrée de l’une des plus grandes multinationales du monde, Wal-Mart, dans le commerce équitable, la concurrence déloyale ou le contrôle des grosses multinationales sur l’ensemble des achats dans les coopératives du Sud existent, mais les critiques sous-estiment la force des rapports entre les coopératives du Sud et les partenaires originaux au Nord, comme les petits torréfacteurs ou les ONG.
Finalement, le débat a tourné autour des enjeux environnementaux et sociaux du commerce équitable. Selon les participants, il est nécessaire d’assurer un développement durable du commerce équitable. De même, il faut que le mouvement du commerce équitable s’identifie avec les acteurs de l’économie sociale et de l’économie solidaire. Finalement, il est important aussi de favoriser le lien avec la finance responsable et les activistes actionnaires. Avec ce dernier aspect, on pourrait construire un front commun pour faire face aux multinationales. Finalement, au Nord, l’effort doit continuer à être porté sur le consommateur.
Participants :
Carle Bernier-Genest (Équiterre), Isabelle St-Germain (Équiterre), Fabrice Bastol (Équiterre), Mélissa Morin (Équiterre), Caroline Whitby (Transfair), Ana Isabel Otero Rance (CRSEDD-UQAM), Véronique Bisaillon, (CRSEDD-UQAM), Marc-Henri Faure (Équita), Jean Lapalme, Karine Peloffy,Caroline Côté, François Charbonneau,Annlies Hodge, Jean-François Beauchamp.
* assistante-chercheure a la RSEDD.
Datos para citar este artículo:
Ana Isabel Otero Rance. (2005). Avantages et inconvénients de la présence de multinationales en commerce équitable. Revista Vinculando, 3(1). https://vinculando.org/comerciojusto/multinationais_cj.html
seb dice
bonjour
je souhaiterais savoir le nom de l’auteur de cet article
merci d’avance
Revista Vinculando dice
Bonjour Seb, l’auteur ces’t: Ana Isabel Otero Rance
seb dice
merci beaucoup